Les
puces s'organisent
Le développement de petits marchés dispersés fréquentés par des chineurs et
des curieux de plus en plus nombreux a fait naître l'idée de regrouper les marchands dans un espace
cohérent et organisé. Le premier fondateur d'une véritable cité de la brocante se nomme
Romain Vernaison. Concessionnaire des droits de stationnement aux Halles centrales de Paris, puis loueur de chaises
dans les jardins publics, il avait sagement accumulé une petite fortune qui lui permit d'acheter en toute
propriété un terrain de 12.000 m2 au lieu dit " les 26 arpents", entre l'avenue Michelet,
la rue des Rosiers et la rue Voltaire. Sur 9.000 m2 de ce vaste emplacement triangulaire c'est donc en 1920 qu'il
décida de mettre en place des "baraques Villegrain", des espèces de constructions en bois
préfabriquées pour les louer aux brocanteurs et chiffonniers de la zone qui avaient des revenus suffisants
pour s'installer. A cette époque un bon pucier gagnait environ 20 à 30 francs par matinée.
Mais beaucoup d'entre eux en avaient assez d'être balladés d'un endroit à l'autre et d'être
rançonnés par les "placiers" des maîtres chiffonniers.
Romain Vernaison n'eut aucun mal à trouver des locataires pour son marché de la brocante, d'autant
qu'il acceptait également les " soldeurs" qui vendaient des objets neufs au rabais et les marchands
de meubles de style, c'est-à-dire de meubles neufs. Ces petits commerçants aussi bien que les authentiques
puciers étaient sûrs de trouver des clients parmi les promeneurs du samedi et du dimanche. Les véritables
chineurs n'ont jamais apprécié le mélange du vieux et du neuf, mais il faut bien que chacun
gagne sa vie. (Les responsables actuels du marché Vernaison s'efforcent depuis quelques années d'éliminer
les marchands de meubles de style, pour redonner à ce groupement une image de marque plus conforme aux puces
traditionnelles).
Le plus vieux marché de Saint-Ouen qui compte aujourd'hui plus de 300 stands offre aux amateurs de nombreuses
spécialités, des lampes à pétrole aux lustres en cristal, des soldats de plomb aux
pistolets à silex, des bijoux de pacotille aux pierres précieuses, des outils anciens aux instruments
scientifiques, des poupées 1900 aux robes rétro, des grès rustiques aux potiches chinoises
et des arts primitifs aux statuettes Art Déco.
Enfin le Marché Vernaison bénéficie d'une attraction sympathique qui fait la joie des amateurs
étrangers : le restaurant "Chez Louisette", une authentique " audonienne" (1) autrefois
marchande aux halles, qui pendant 20 ans, avec sa copine Lulu, a fait les beaux jours de Vernaison... (extrait)
(1) Audonien, audonienne
: né ou née à Saint-Ouen) |