Les
faiseurs d'or
On a calculé qu'à la fin du XIXe siècle, chaque Français mettait au rebut 8 kilos d'étoffes
par an - ce qui représente, pour une population de 35 millions d'habitants, 280 millions de kilos de chiffons,
estimés au total à 140 millions de francs. On mesure par là la richesse économique
que procurent au pays tous ces chiftires qui mériteraient bien le titre de "faiseurs d'or".
Rien qu'à Paris, les coureurs, les piqueurs, les secondeurs, les tombereaux - qui cherchent leur pâture
sur les tombereautiers de la municipalité - ramassent 75 000 kilos de chiffons de toute nature. Il existe
plus de 450 espèces de chiffons qui, triées et lavées, ont toutes une destination spéciale.
Les tombereaux parisiens sont ensuite déversés dans des champs d'épandage où travaillent
les "gadouilleurs". Enfin les " broyeurs" récoltent encore les derniers sous?produits
qui échappent à la destruction définitive des moindres détritus dans les usines de
broyage.
Les récupérateurs de chaussures donnent les morceaux de cuir informes aux "cambruriers"
qui reconstituent des chaussures à bon marché, tandis que les "démolisseurs" cassent
les talons pour en faire du bois de chauffage et que les " planeurs" suppriment les clous pour récupérer
les semelles revendues 5 centimes pièce. Même les oeillets et les pièces de fer sont récupérés
dans les cendres après brûlage des derniers vestiges : ces menus morceaux métalliques sont
encore revendus 5 F. les 100 kilos !
Tout autour de Paris, s'élèvent donc ça et là, au-delà des fortifs, des cités
de chiffonniers. (extrait) |