Un saut de puce dans le temps
Les objets qui paraissent hors d'usage et, qu'avec lassitude, rejettent un jour leurs possesseurs, constituent
la substance du "commerce de l'occasion".
Privé d'emploi et pour ainsi dire au chômage, l'objet condamné à disparaître trouve
un beau jour une seconde vie entre les mains d'amateurs qui les parent de nouvelles qualités esthétiques,
souvent insolites et parfois insolentes. Les sur-réalistes ont été les premiers à regarder
d'un oeil neuf ces poétiques déchets. Car jusqu'alors l'objet d'occasion réparé, rafistolé,
rénové n'était que déclassé, victime d'un déclin social, passant des
mains heureuses qui l'avaient défloré, en des mains plus modestes qui l'avaient racheté pour
presque rien. C'est ce " presque rien" qui motive un nouveau cycle commercial dès lors que ces
choses de seconde main sont revendues pour ce qu'elles sont. Et cette re-naissance des objets rejetés et
rachetés, c'est toute l'histoire des puces à
travers les âges.
Reportons-nous un siècle en arrière dans ce paysage lunaire, criblé de nids de poule parmi
l'herbe rase, sans limites ni chemins, entre les bastions militaires en pierre dure et les champs de salades que
cultivent âprement les maraîchers de Saint?Ouen.
Ce terrain aux limites indécises n'appartient d'ailleurs à personne. L'origine des "fortifs"
remonte à la décision, prise sous Louis-Philippe en 1841, de ceinturer Paris d'une enceinte fortifiée
bien au-delà des barrières fiscales tracées au temps de Louis XVI, ce fameux "mur murant
Paris qui rendit Paris murmurant". L'opération est confiée à Monsieur Thiers, Président
du Conseil, qui deviendra trente ans plus tard le premier Président de la IIIe République. Le "
Cher petit Président", comme disait alors le Roi des Français, fit adopter......(extrait) |